Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Association Afrique Bénin Cancale Dol
4 janvier 2021

Patience (suite)

  Patience (suite)

La première nuit, Denise, la cuisinière, ma patronne m’a enfermé dans la cuisine. J’ai senti qu’Evelyne n’était pas d’accord mais elle n’a rien dit. Par la suite, j’ai deviné qu’elle ne trouvait pas hygiénique de me voir traîner dans les casseroles. Elle pensait aussi que durant la nuit, j’allais manifester ma désapprobation. Elle avait raison.

La cuisine

        

Nettoyage 

               

Les casseroles

Cette cuisine la porte fermée, vidée de ses occupants, m’a rappelé le sac. Très vite, la température a baissé et comme j’étais alors chauve j’ai eu froid. Le sol était dur. Je ne me repérais pas. J’ai paniqué et j’ai pleuré. Quelqu’un a voulu ouvrir la porte. Le loquet était mis. La voix calme et tendre de Madame Evelyne m’a dit de me calmer, qu’il ne fallait pas pleurer, que demain tout irait bien mais demain me semblait si loin. A peine s’était-elle éloignée que j’ai gémi, couiné. Le coup tendu, j’ai hurlé de toutes mes forces. Plus autoritaire, la voix est revenue et m’a ordonné de dormir. Au bout de trois-quatre fois (je ne sais pas compter et Denise ne m’apprendra pas puisqu’elle aussi est   ignorante), une voix sévère et peu amène a percé l’obscurité. Perdu dans le noir, j’étais terrifié. Alors Evelyne est allée frapper à la porte de Denise. La « vieille »   a cru que l’étrangère était malade. Finalement, Evelyne a indiqué la direction de la cuisine et elle a tenté de m’imiter. Denise ayant compris, elle est venue me prendre en riant. Il se passe si peu de choses ici que plusieurs semaines après, Denise en parlait encore. J’ai continué ma nuit sur le gros ventre de ma matrone et j’ai revécu  la quiétude maternelle.

                Au début, avec tous ces enfants, je me suis un peu inquiété. Mais ici, tous sont très gentils. Avec le temps, je suis devenu la mascotte du centre.

Lavage des mains avant le repas

                Lorsque le soir j’ai un peu froid, je me traîne dans les cendres des marmites. Parfois, les enfants me tiennent compagnie. Lorsque mon pelage prend la suie des casseroles, les enfants me lavent. Ils attendent que le soleil soit là pour réchauffer de ses rayons, l’eau de mon bain. Alors, ils me savonnent avec ce qu’ils ont. Il y en a toujours un qui veut bien aller chercher sa savonnière pour me frotter avec son savon. La mousse me pique les yeux mais les petits d’hommes me les rincent. Lorsqu’ils me sortent de la bassine qui sert à laver les feuilles de la sauce, je me chauffe au soleil. C’est agréable. Ils m’essorent en me caressant du museau à la queue. Si j’arrive à leur échapper, je m’ébroue, alors  les rires et les cris fusent. Puis ils m’épongent avec un chiffon et m’emmaillotent.

 

Fillette jouant dans une cour commune.

                Entre Evelyne et Denise, les relations sont plus complexes. Elles m’aiment chacune à leur façon. Evelyne estime que je dois apporter aux enfants : un certain équilibre, donner et recevoir de l’affection, les sensibiliser au respect de l’animal. Sur ce dernier versant, je vais avoir beaucoup de travail car ici la vie des humains est souvent remise en cause alors celle des animaux ... Pour Denise, je dois devenir un bon gardien, prévenir et faire peur aux voleurs. Bien qu’elle ne dise rien, Evelyne émet des doutes à ce sujet. Moi, je me dis que les voleurs devront être de tous petits voleurs craintifs autrement, je vais être un très mauvais employé. Lorsqu’Evelyne est seule, elle me murmure que dans ce pays, la condition des animaux domestiques est celle des animaux de son enfance. Ici, il n’y a pas de médecin pour la classe « des quatre pattes » déjà que les humains bien souvent, ne peuvent pas se soigner. Les chats et les chiens mangent les restes mais les restes sont rares car les gens sont nombreux et l’alimentation un souci permanent. J’ai eu beaucoup de chance d’être adopté ici.

Poulailler chez un particulier (femme enseignante, homme ancien policier)

  

 

              Denise a peur qu’Evelyne lui reproche ma nourriture. Elle prend un peu du riz des enfants en cachette et me le donne. Evelyne craint que la nourriture végétarienne entraîne des carences chez un carnivore. Denise achète au magasin de tout petit paquet de lait en poudre et le dilue dans  l’eau. Evelyne semble septique car en France, on ne donne pas de lait aux chats et aux chiens. Cependant, elle songe que je ne suis qu’un chiot. Evelyne s’inquiète pour moi mais elle ne veut pas trop le montrer car en Afrique, il y a bien d’autres soucis. De ce fait, Denise croit que la Blanche ne m’aime pas et a réellement regret pour mon alimentation. L’autre jour, à l’aide de signes, elle a indiqué à la Française que j’étais petit et que je mangeais très peu.

                Malgré la bonne volonté des deux femmes, face à l’absence d’une langue commune, le dialogue est délicat. Finalement, Evelyne a eu l’idée d’acheter, elle aussi,  au magasin du centre un sachet de poudre blanche. En le donnant à ma propriétaire, elle m’a montré du doigt. Un large sourire est apparu sur la face ronde de Denise. Depuis je ne suis plus un sujet  de discorde. Parfois, Denise souligne que lorsqu’Evelyne reviendra, je serai devenu un gros chien.

                Evelyne nous a quittés il y a un an. Aujourd’hui, le Père Servais est venu nous rendre visite. Il m’a pris en photo. J’ai honte ! J’ai une grande maison pour moi tout seul. Tout le monde m’aime bien et les enfants viennent souvent me confier leurs petites misères. Là-bas, Evelyne ne va pas être contente car je suis attaché et c’est de ma faute.

 Patience qui attend un nouveau nom, Patience étant un nom humain.

                Lorsqu’Evelyne a reçu ma photo, elle a demandé au père Servais si la bâtisse derrière moi, était ma niche ou un abri de jardin car ma cabane lui semblait bien haute. Pour une fois, le père a pu lui répondre. Il lui a affirmé que c’était bien ma maison et que pour éviter les critiques européennes, dans cette maison, j’avais en rez-de-chaussée : une cuisine-salon et à l’étage, ma chambre. Il a aussi précisé que la nuit, le gardien que je suis, est libre de se déplacer où bon lui semble, mais le jour, je suis attaché car je cours après les pintades et les trois poules de notre minuscule basse-cour. Dans son pays, Evelyne doit se dire qu’un chat n’aurait pas posé ce type de problème.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Contact

contact
Par courrier:
ABCD
5, rue des Ponts
35120 Dol-de-Bretagne

Par mail: everl@orange.fr

Par téléphone:
Evelyne 06.41.51.82.52

Archives
Publicité