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Association Afrique Bénin Cancale Dol
4 février 2019

Okpo , le cousin de Pic

                                                                              OKPO Le cousin de Pic,

 

           A Pampam, un matin, comme beaucoup  d’autres, les enfants se rangent pour se rendre au réfectoire. Une fois de plus, je précise qu’on se met en rang par ordre d’arrivée et non en fonction de son âge, de sa taille ou de dieu sait quoi. Un peu de palabre et le rang est correct.
Tête de linotte que je suis ! J’ai oublié mon anti- palu.

   A mon retour, la ligne du rang s’est transformée en cercle. Il faudrait que je me décide à enseigner un peu de géométrie, mais sans règle, sans compas, sans rapporteur… Ajoutons mon sens de l’espace ! Cette matière attendra.

Sur le périmètre du cercle elliptique, chacun échange avec son voisin. Curieuse et un peu amusée, je m’approche tout doucement. Que peut-il y avoir au centre de ce cercle ? Le centre de l’internat est un minuscule buisson de ronce. C’est la première fois que je suis confrontée en Afrique, à cette plante. La plante vivante regarde l’air ébaubi la farandole des visages. Le regard des enfants se tourne vers moi. Je ne dis rien. Personne ne bouge. Le silence règne. La maîtresse est là. Elle voulait une ligne bien bien droite mais le hérisson est très intéressant.

  

Une visite : un hérisson !

Comment un si petit animal peut il  engendrer

une si grande pagaille ? 

                Ayant des souvenirs de mes leçons de l’an passé, David m’explique que nous avons là un animal très utile. Vu mes expériences antérieures, je suis un peu méfiante. Je  demande pourquoi ce mammifère est un animal utile ? La réponse me donne raison «  parce qu’ y’en a qui mange l’hérisson ». Et voilà un, puis deux, puis trois enfants qui proposent d’emporter la bestiole à Denise la cuisinière.

                J’effectue un cours éclair sur le charmant  animal. Je me garde bien de parler de la chaîne alimentaire. Puis j’explique longuement qu’un hérisson peut vivre dix ans et que là nous avons un très jeune hérisson. Il  est tout petit. Nous sommes une bonne trentaine. Cela ne vaut pas la peine de le tuer. Il faut mieux le laisser grossir. Je rappelle que nous avons remis en liberté les petits escargots. Je demande un volontaire pour remettre l’animal dans son contexte naturel et nous passons à table.

                Avec un peu de retard, après avoir mangé la bouillie de mil à l’eau, nous partons en classe.  Le retard ne perturbe que moi donc cette absence de ponctualité est un détail.

 

                La journée se déroule avec son lot de joies, de surprises, de reproches, d’apprentissages…

                Après le repas du soir, la vaisselle faite et rangée, le réfectoire balayé, ayant effectué des groupes, je donne l’autorisation de jouer. Je prends les plus grands et tente de leur transmettre les règles du Memory, des jeux d’observation, des dominos, du loto. Il faut aussi apprendre le respect du matériel et l’importance des règles.

 

                De la cour, Hyppolite, responsable du centre, m’interpelle. Je laisse les enfants et m’approche pour savoir ce qu’il désire.

 «  Madame Evelyne, je voulais vous dire que c’est doux le hérisson ».

Etant largement occupée avec les enfants, Denise qui voudrait jouer aux dominos mais n’a aucune notion des chiffres, un splendide insecte que trois enfants me montrent fièrement en m’expliquant quelque chose que je ne comprends pas mais il faudrait comprendre car cela est, à leurs yeux, important. Je m’éloigne, me retourne et l’air naïf dit : « Mais, Hyppolite, pourquoi me dites vous cela ? »

Certain de son bon droit, d’un ton agressif, il m’informe: «  je n’en reparlerai pas mais je voulais le dire. Vous avez besoin d’une leçon. Les enfants se sont tus. Je me demande comment me sortir de ce nouveau pétrin. Il enchaîne à une vitesse de TGV : «  Je voulais vous donner une leçon (je pense petit con où est le soit disant respect des anciens dont  tu m’as rabâché les oreilles, l’accueil de l’étranger…). Sur sa lancée, sans aucun arrêt de gare, il affirme : « Vous voulez toujours avoir raison. Faut toujours faire comme vous dites. » (Le flash  des escargots est là, il se confond avec celui de la couturière refusant de recoudre les vêtements des enfants, d’autres éclairs arrivent). Toujours à 180 à l’heure, il me dit « vous piétinez notre culture ». Je me surprends à penser je ne vois pas l’intérêt d’être là pour reproduire les mêmes dysfonctionnements. Si vous êtes aptes à vous en sortir ne quémandez pas l’aide des autres. Je serai aussi bien avec un bon livre dans mon jardin. Tout  se superpose. Je me demande, une fois encore, jusqu’où ai-je le droit d’aller ?

 

Dans le même instant,  j’articule avec calme «  Hyppolite, nous aborderons tout ceci demain pour l’instant, je suis occupée ». Je me sens bafouée. Moi ? Piétiner la culture de l’autre ? « Mon petit Monsieur » vous me connaissez bien mal ; Mon cœur tremble, ma voix est posée, mon esprit est en pleine révolte, une lame colérique de fond  va me submerger. Restons calme, calme. Surtout sauvons les apparences. Gardons la tête froide et haute (petit con, de petit con). Pensons aux enfants qui nous observent, à Denise qui, tout en ne parlant pas le Français, a réussi à faire deux esclandres. Motif du deuxième ??

                 J’indique aux enfants qu’il est 21h30. Il faut ranger, bien mettre chaque chose à sa place. Nous allons souhaiter une bonne nuit à la Vierge auprès de l’endroit où plus tard, il y aura une statue de préférence, à ma demande, noire. Après tout, Marie n’est-elle pas le symbole de l’amour maternel ? Ce court moment permet aux enfants de se calmer avant d’aller dormir. C’est leur rituel du soir. Hyppolite, étant évangéliste, s’est réfugié dans sa chambre. Chacun va se coucher dans le calme.

Le lendemain, la vie reprend son cours. Deux jours plus tard, voyant Hyppolite inoccupé, et ayant enfin un peu de temps, je lui  indique que je souhaite le voir au sujet du hérisson.

Pour une fois, il  n’esquive pas la conversation. Sentant probablement qu’il a dépassé les limites, il me dit : « Il faut que je vous dise d’abord que je suis un rigolo ? ».

Voulant éviter tout risque de confusion, je le questionne sur le sens du mot rigolo. Il précise qu’il aime rire. Je ne peux m’empêcher de répondre que nous n’avons pas le même sens de l’amusement.  Peu importe, je ne suis pas là pour disserter sur ce  sujet. Avant même que je lui révèle qu’il m’a profondément blessée, ce de façon injustifiée, il m’indique que s’il avait su que je vivrai si mal la situation, il n’aurait pas agi de cette façon. Il est évident qu’ici le mouchardage est de mise. Je n’ai aucun désir de passer le temps qu’il nous reste dans la défiance. J’ai probablement tord.

Ce début d’excuses ne m’intéresse pas. Je sais qu’il a exprimé ce qu’il pense. Les enfants ont été témoins de la scène mais en restant vigilante, aucun ne remettra en cause mon rôle. C’est l’essentiel. Depuis le départ, je perçois qu’Hyppolite se sent dépossédé de son travail. Il se valorise en me parlant de ses études, de ses projets professionnels. Il lui arrive de me dire «  ma langue ce n’est pas le Français. Je ne peux pas le parler comme vous. Et vous si vous parliez une autre langue … »  Il serait nécessaire que dès mon arrivée, mon rôle soit légitimé. Je recadre  l’objet de ma visite.

    Hyppolite

« Hyppolite, je ne viens pas pour entendre vos excuses. Je souhaiterais savoir qui a capturé le hérisson et qui en a donné l’ordre. »

 Il m’explique que les enfants ont ramassé l’animal d’eux-mêmes. Je m’apprête à sévir car je travaille sur le mensonge, l’obéissance, l’entraide. Un peu sur la défensive, je vais voir les enfants et leur demande qui a été chercher l’animal. Ils m’assurent que c’est Denise. Je ne croirai jamais qu’Hyppolite ne le savait pas ! Pourquoi avoir accusé les enfants ? Pour que ces derniers me trouvent injuste ?

Oui ! Il y a beaucoup à faire au centre mais le travail n’est pas toujours là où  je l’attends.

J’ai demandé aux aînés des enfants quel comportement ils auraient adopté si un adulte leur avait demandé de récupérer le hérisson. Il s’en est suivi un long débat après quoi finalement, Emeric m’a dit : « On sait pas. On n’est que des enfants. Si un adulte dit nous on fait ».

«  Je comprends bien Emeric mais moi j’avais fait remettre le hérisson dans le champ. »

Silence. Reconcertation. Réponse :

« On sait pas. Toi tu tapes pas. »

Je tente d’expliquer que parfois, faire des choix est difficile. Face à deux ordres contradictoires, il faut faire ce qu’on  estime le plus juste. Il faut écouter son cœur, cela s’appelle le libre arbitre.  « Si un jour cela se produit et que je suis là, il faut me le dire. »   Evelyne

 

 

 

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