Les bananiers

                                 

                                Plantation de bananiers aux Antilles (régime en formation).

Enfant, l’hiver venu, alors que la pluie tambourinait aux vitres de la cuisine, la famille réunie autour de la table prenait son souper, repas simple mais parfois chargé de rêve.

L’un de ces repas était constitué d’une soupe, melting pot des légumes du jardin de mon père, d’une banane et bien sûr de pain et de beurre salé. A l’époque la notion de cholestérol n’effleurait même pas nos esprits bretons.

Ces soirs là mes yeux de fillette campagnarde rêvaient de rivages lointains. J‘associais systématiquement cette nourriture à l’Afrique. Alors que ma mère tranchait le pain de 3 livres je savourais des yeux la banane qui m’était échue.

Il n’était pas question de banane à l’enveloppe épaisse, lisse, jaune marbrée de vert, arrivée dans des containers frigorifiques pour bloquer leur maturité quitte ensuite à les placer dans des mûrissoirs à proximité d’éthylène (produit fabriqué dans la nature par la plante pour favoriser la maturité). Mon père tenait à manger des bananes à la peau mince d’un jaune foncé taché de confettis se déclinant des bruns au noir en passant par divers marrons. Parfois une griffure noire indiquait un trop plein de maturité.

 

 Cargo de marchandise en partance pour les Antilles.

Tout en  humant l’odeur du fruit je tirais sur sa peau fine et libérais la chair blanc crème ignorant que de rares espèces avaient d’autres colorations (exemple l’Isla de Pérou à chair bleue). La corolle savamment descendue j’admirais l’odalisque insolente et tentais d’imaginer l’arbre qui produisait ces merveilles. Probablement un arbre aussi symbolique et  respectable que les chênes des druides. Je croquais à pleines dents dans ma tartine beurrée et la banane, mélangeant à l’aide de ma salive deux continents.

 

Une banane pour la route. Arrêt de bus au Bénin.

Aujourd’hui ayant vogué sur des cargos de marchandises transportant des bananes, ayant marché dans des bananeraies, ayant admiré ce fruit légume sur des marchés exotiques la poésie de ce fruit m’a quitté. Cependant je l’associe toujours à l’Afrique, aux tropiques, aux Antilles à l’Asie…

 

Marché au Cap Vert (île de Fogo)