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Association Afrique Bénin Cancale Dol
17 septembre 2019

Vous avez dit BOIS?

                                                               VOUS AVEZ DIT BOIS ?

                        (Extrait du journal d’Evelyne juillet 2018)

 

            Ce dimanche le Père Servais m’a conduite au centre de Pampam.  Dans le cadre de son sacerdoce il devait y dire la messe.

            A Tépenté, comme dans tous les villages de brousse, les distractions sont rares : parfois une naissance, là un mariage, ici un décès, ailleurs la visite d’un ancien membre de la communauté, rarement un touriste égaré, un peu hagard et décalé.

 

 

Enterrement Otamari 

 Certes il y a tout de même Noël, le jour du premier de l’an, Pâques…

 

Chemin de croix à Tepenté

 

 Procession à Natitingou

 A part cela pas de télévision, pas de radio, pas de cinéma, mais des téléphones sans réseau qui indiquent l’heure lorsqu’il a été possible de les recharger. Le vide est comblé par la savane, les baobabs, les voisins éloignés, un troupeau de vaches flânant mené par des Peuls ; le tout sous un soleil de plomb ou une pluie battante.

             Heureusement, Il existe les dimanches matin ! Pas de grasse matinée. Chacun se lève tôt, se lave avec des fonds d’eau, se coiffe, puis, comme nous autrefois, revêt ses plus beaux atours. Ainsi, ce jour-là, la savane sera bariolée de jaune, de bleu, de rouge. Les fidèles parcourent les sentiers sur un ou dix kilomètres pour se rendre à l’église. Durant la messe les tams-tams soutiennent la chorale… à moins que ce ne soit l’inverse !

 

Les enfants de la maison d’accueil

Eglise construite par les Espagnols, remise en état par les Béninois.

Rythme et joie ne forment qu’un. Le timbre pur et fervent des multiples voix, devenues une, monte vers la tôle ondulée, la transperce puis s’élance vers le ciel. Ce chant fervent s’écoule par la porte aux battants de fer ouverts et se répand à travers les collines. Le sermon en trois langues paraît court tant il est accompagné par un cortège de mimiques et d’intonations variées. L’officiant s’adapte à son public. Les rires sont nombreux, l’ennui n’est pas de mise, parfois un applaudissement se fait entendre. Le Père est un bon acteur qui s’adresse autant aux cœurs qu’aux têtes. Puis, de nouveau, la ferveur, le calme, le recueillement.

Les enfants de chœur, baptisés ou non, jouent  leur partition avec sérieux. La veille chacun a répété son rôle.

 

Répétition de la messe

A la sortie de la messe une ou deux femmes tentent de vendre leur fabrication de beignets. Les enfants de la maison d’accueil regardent discrètement leur future maîtresse blanche « venue de France ». Peut- être ? Puis suivront les rondes, les chants et probablement les commérages sous l’anacardier.

 

Frère Benoît dansant

            Aujourd’hui Servais et moi sommes invités à la ferme pédagogique pour partager le repas des frères missionnaires des campagnes. Cette invitation va me plonger dans l’époque de ma première venue au Bénin. Je vais accéder à la longue bâtisse par le petit chemin caillouteux. Ayant traversé la véranda, j’entrerai dans la pénombre du long corridor et passerai devant la porte de mon ancienne chambre. Au passage je viens de découvrir que cette dernière a été transformée en mini chapelle décorée de guirlandes de papier aux couleurs vives. Le couloir débouche, sans surprise, sur la salle à manger. Un couvert sommaire est dressé avec goût. Alors que le silence m’enveloppe de sa douceur, que la chaleur m’écrase de sa torpeur, la sérénité m’envahit. Je ne regrette pas mes 700 kilomètre de bus : la sérénité était au bout du chemin. Discrètement je me dirige vers la droite de la pièce pour revoir la cuisine, toujours aussi sommaire mais d’une propreté de laboratoire. Aujourd’hui le cuisinier est le jovial frère Benoît. Sa cuisine ne peut être plus piètre que lors de mon premier passage.

 

Dortoir des élèves de la ferme pédagogique

Frère Benoît, soucieux de mon confort, insiste pour que je reprenne de l’entrée. Il précise qu’il a veillé à exclure le piment. Les haricots verts (le luxe !), les petites tomates coupées en rondelles et la papaye verte ébouillantée et râpée sont un délice. Il a su disposer artistiquement les légumes sur son vieux plat ébréché de récupération. Il insiste pour que je me resserve car il craint que je ne puisse manger le plat suivant: des graines de néré et du riz complet.

  


Arbre de Néré ou caroubier africain

Tout en dégustant les petites graines vertes tirant plus sur la lentille que sur la fève et les petits pois nous devisons. La politesse est de mise mais les rires sont fréquents. Progressivement les convives s’animent. J’ai apporté du fromage. Il est si rare et onéreux sous ces tropiques ! Tous apprécient le camembert qui lui n’apprécie pas la chaleur. Il a coulé et me fait songer à la cervelle de Donquichotte. Nous parlons de Cervantès, de l’Espagne, de la France pour terminer avec le Brésil, le Burkina Faso. Les missionnaires sont des voyageurs. Demain un frère arrivera du Brésil après cinq ans d’absence. Frère Benoît espère pouvoir se rendre dans sa famille au Burkina. Mis en verve il se lance dans un récit.

-         «  La semaine passée, Evelyne, un homme est mort. Un bois l’a enlacé, il l’a fendu en deux avec sa machette mais il a eu si peur que le lendemain on l’a trouvé mort dans sa case. »

-         Un peu décontenancé je réplique : Il y a des lianes par ici ?

-         Non, pourquoi ?

-         Mais, frère Benoît, tu me parles de bois qui enlacent

-         Oui les bois enlacent

-         Ne voulant ni contredire mon hôte ni lui paraître sotte je reprends : il est mort le lendemain ?

-         Dans la nuit, mais il n’avait rien de cassé.

-         De plus en plus perplexe je poursuis : Tu parles bien de bois ?

-         Oui

-         Mais de quel arbre s’agissait-il ?

-         Un éclair de lucidité traverse mon pauvre esprit et je lance : Ah ! Tu parles de serpent, d’un  BOA.

-         Oui ! D’un boa.

-         Ouah ! »

 

Frère Benoît, Père Servais, Mathias…

Le malentendu est levé. Des yeux malicieux ou carrément rieurs ou moqueurs nous observent. Une ou deux personnes tentent, par respect, de retenir leur rire mais finalement l’hilarité générale se déverse et retentit dans l’atmosphère moite et étouffante des débuts d’après midi. 

Evelyne

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