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Association Afrique Bénin Cancale Dol
17 juillet 2020

Les éphémères

                                   Les éphémères,

            23 heures, le halo de ma lampe est le seul guide pour le voyageur égaré...

             J’éteins  l’unique «  loupiote » de ma chambre. De la grisaille, je passe à une chape d’obscurité. L’appel des chiens télégraphiques de mon village n’existe que dans mes souvenirs. Il n’y a aucun rugissement, aucun barrissement, aucun hululement et plus prosaïquement, aucun aboiement, aucun gloussement, aucun bêlement. Le silence noie les limbes de la nuit.Ce soir, même les grenouilles, « grosses comme des bœufs », se sont tues. Etrange !

Allongée sur mon lit, le seul de la maison d’accueil, je sens enfin un peu de fraîcheur. Dans cette encre,  la grandeur du silence s’entend. Sa blancheur sert de drap à la couverture nocturne.

Les calanques Marseille

      La France est loin. Je n’y pense plus depuis mon arrivée. Le quotidien me happe. Il est parfois si prenant que la notion de temps m’échappe. Plus d’informations, plus de journaux, plus de radio, plus de repères, si ce n’est l’horloge située sous le préau. Je la croise matin, midi et soir. Ma montre la remplace durant les multiples tâches de la journée. Levé, repas, enseignement, sieste, jeux… rythment mon existence. Attention à ne pas oublier le jour du retour à la civilisation. Surtout ne pas manquer l’avion !

      Malgré la fatigue, je ne trouve pas le sommeil. Je repasse en boucle la journée. J’en effectue le bilan. Un tel a-t-il bien compris le problème ? Comment faire pour que ces enfants réfléchissent, deviennent créatifs, acteurs de leur formation et arrêtent d’être uniquement dans le répétitif? Comment arriver à les faire s’exprimer oralement ? Comment passer à l’étape de l’écrit ? Comment mais comment avancer en si peu de temps ?

 Mathieu Evelyne...

    Comment bousculer des méthodes de travail sans pour autant perturber leur scolarisation l’an prochain ? Comment faire côtoyer deux méthodes d’enseignement si différentes ? Comment faire comprendre aux adultes qu’il ne s’agit pas de nier leur travail mais  que j’apporte d’autres concepts ? Qu’il serait bon de verser dans un chaudron, les deux méthodologies, de les mélanger, de tirer de chacune le meilleur pour réaliser un nouveau concept ? Ai-je bien donné à tous les enfants qui toussaient la feuille que m’a indiquée la cuisinière ? Où trouver un peu de Karité pour mettre sur l’exéma de P ? Je n’ai pas eu le temps de retravailler la lecture avec Mathieu, pourquoi cet enfant est-il si peu éveillé ?   Comment éviter que Geoffroi ne s’accoquine avec Hyppolite et que cette camaraderie ne  se développe à mes dépens

                                                                                                            Hyppolyte

 

Geoffroi.

Mathieu et l’apprentie enseignante

    Comment gérer ces adultes immatures, incapables de se repositionner, vivant dans le désir et la peur du pouvoir ? Jaloux de leur prérogative ? Et cette si brave cuisinière qui me fait des délires de persécution… Et la couturière qui ne voit pas pourquoi elle devrait s’occuper du linge des enfants ?

  Leçon de couture faute de  lingère

 

            Et le temps passe…

            Cette moiteur, cette touffeur…aucun tam- tam n’annonce la pluie, aucun sorcier ne l’appelle mais elle arrive. Elle sera violente, drue. Je sens son souffle. Ce soir, elle a une odeur, une vibration, un quelque chose d’inconnu. Je divague, je rêvasse. Des voix me parviennent. Le son monte. « Ah, non ! Ils ne me referont pas le cou de l’éclipse de l’an passé. ». Le  charivari de  cette nuit-là avait-il pour but de faire fuir le soleil ? De libérer la lune ? Était-ce l’expression de peurs ancestrales ? De la joie ? Une réminiscence du passé ? Je n’oublie pas que je suis dans le berceau du Vaudou. Je n’entends ni les casseroles, ni le fracas de pierre que l’on frappe l’une contre l’autre donc il s’agit d’un autre phénomène. Allons voir !

            Tout le monde est de sortie. Certains courent, d’autres sautent, beaucoup sont à croupetons. Bassines, seaux, chaudrons sont de sortie. Visiblement chacun est ravi. Enfants et personnels se sont réunis près des tourelles du portail et sont en pleine effervescence. Les deux lumières de ce coin brillent dans les ténèbres et éclairent cette scène fantastique et déroutante pour l’étrangère que je suis. Je traverse la cour pour rejoindre cette  danse  païenne offerte aux dieux de la nuit. Visiblement chacun est ravi, personne ne prend le temps de m’expliquer quoique ce soit, le temps semble précieux. De plus, pourquoi me fournirait-on des explications sur un phénomène, somme toute, si naturel.

 

 

 Termitières (Pampam). 

Un nuage d’insectes nous entoure. Aucun son, aucun grésillement ne  s’échappe  de  cette nuée  de plus en plus disloquée. Les hommes, occupés par le ramassage des insectes, se sont tus. Seul, parfois, un bruit de métal transperce cette étrange danse. Je participe au ramassage, admirant les ailes fines et diaphanes de ces libellules africaines. Dès que j’en ai quelques spécimens, je les jette dans l’eau des seaux.

De larges gouttes d’eau tombent. La collecte semble satisfaire chacun. Un signal, que je n’ai pas perçu, indique la fin de cette dernière. Les récipients portés à la cuisine, chacun regagne sa natte avant le déluge.

            Je m’endors et rêve de cette manne d’insectes que nous mangerons demain midi grillée.

 

 Termites (avant la mue et après la mue). 

   Ce mets, des repas festifs, craque sous la dent. Il laisse dans la bouche un petit goût de noisette que j’ai été certainement la seule à déceler. On y trouve aussi  des rappels de friture et des connotations de cacahouète grillée. Il est un peu comme notre beaujolais nouveau, chacun y trouve ce qu’il aime et désire, mais pas  de saveur de banane...

    Il semblerait que cet apport de protéine animal soit dû à des termites qui     effectueraient une métamorphose. N’étant pas entomologiste, je ne l’affirme pas mais étant curieuse, je me suis renseignée depuis.

        J’ai mangé des termites.

 Aux débuts des pluies, les termites sexués quittent à tir d’ailes, par centaines, leur termitière pour essaimer. Lorsqu’ils atterrissent, ils perdent leurs ailes.

La prochaine fois que je mangerai des noisettes grillées, je leur trouverai un petit relent de termite.

Photo du groupe de la maison d’accueil, réuni en l’honneur de mon  départ.

            Bien dommage que les moustiques n’aient pas de mue !

Evelyne

 

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